Partager les décisions pour réduire le risque d'erreurs médicales

16 mars 2020 - 9 minutes de lecture

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Fondements de la décision médicale

Les décisions de soins sont le plus souvent fondées sur des schémas de prise en charge élaborés a priori et scientifiquement valides, elles démarrent, en général, par un diagnostic de certitude. En déroger, c’est parfois s’exposer à l’erreur médicale. Cependant, les patients ne rentrent pas toujours (et d’ailleurs plutôt rarement) dans la case du patient moyen utilisé dans les guides de traitement. Le diagnostic médical peut être très difficile dans certaines situations. Si faire un diagnostic est plus facile avec l’expérience, le médecin aura tout le temps des patients difficiles. La complexité et l’incertitude médicales sont sources de retards diagnostiques et de mauvaises stratégies thérapeutiques, elles-mêmes sources d’augmentation des coûts et des erreurs médicales [1].

L’incertitude médicale peut être responsable d’erreurs médicales ; elle se présente sous deux formes [2] : l’une résultant d’une maîtrise incomplète ou imparfaite de la connaissance médicale et l’autre découlant des limites propres à la science médicale actuelle, de l’originalité du cas lui-même et/ou du contexte institutionnel.

Mécanismes de l'erreur médicale

Les erreurs médicales procèdent de multiples mécanismes ; elles peuvent être liées aussi bien au patient, ses conditions de vie, son état psychologique, sa pathologie, qu’aux médecins et modes de prises en charge. Elles sont parfois les conséquences de l’incertitude médicale. L’erreur, c’est l’action de se tromper (du latin error, errer d'où incertitude, ignorance), tout comme la faute (du latin falsus, faux) mais cette dernière fait référence à une norme, une règle non respectée. Si la première est une méprise, un défaut de jugement ou d'appréciation, involontaire (« l’erreur est humaine »), liée à la notion de compétence, la deuxième est liée à la notion de performance, elle repose sur l'idée de responsabilité, voire de culpabilité.

L’erreur diagnostique pour le médecin est possible à plusieurs niveaux : le recueil imparfait des données (biaisant le diagnostic), ses mauvaises connaissances théoriques (masquant l’évidence des symptômes, signes et résultats paracliniques), la complexité et la prégnance du cas (c’est-à-dire l’impression initiale qui ne se modifie pas malgré les nouvelles informations obtenues), la stratégie diagnostique (dans le choix des examens les plus judicieux et les moins invasifs, la demande ou pas de l’avis d’un confrère). Le médecin doit obéir aux règles de l’art de la médecine. L’erreur médicale stratégique (par défaut de connaissances, mauvaise évaluation et non recours à un tiers) ou technique (dans la réalisation d’un acte) est considérée par le législateur comme une perte de chance pour le patient, donc comme une faute et est condamnable juridiquement pour le médecin et indemnisable pour le patient.

L’erreur thérapeutique pour le médecin est une faute car il y a des règles en pharmacologie (indications, posologie, contre-indications, interactions médicamenteuses). Il faut la distinguer bien sûr de l’aléa thérapeutique qui désigne l'ensemble des dommages causés à un patient au cours d'un acte médical en l'absence de faute ou d'erreur. Le médecin a l’obligation de moyen, pas de résultat. Soigner c’est faire des choix « conformes aux données actuelles de la science », aussi bien à l’échelon de l’individu qu’à celui de la population. Le médecin est pris entre « le risque d’agir » et celui « de ne rien faire » (et laisser évoluer spontanément la maladie). Il doit au patient « une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose » (Article 35 du Code de Déontologie). Il s'agit de l'obligation du recueil du consentement libre et éclairé du patient.

Responsabilité médicale

Le régime de la responsabilité médicale, longtemps basé sur des principes jurisprudentiels, est maintenant inscrit dans la loi [3]. Elle confirme la règle selon laquelle la responsabilité d’un médecin ne peut être que personnelle et non pas collective. L'erreur médicamenteuse est par exemple définie par l'arrêté du 6 avril 2011 [4] comme « l'omission ou la réalisation non intentionnelle d'un acte au cours du processus de soins impliquant un médicament, qui peut être à l'origine d'un risque ou d'un événement indésirable éventuellement grave pour le patient. Elle peut être avérée ou potentielle, interceptée ou pas avant l'administration au patient ».

L’erreur médicale par faute professionnelle est condamnable pour le médecin et réparable pour le patient. Le professionnel et l’établissement de santé doivent informer le patient sous 15 jours, l'action est prescrite au-delà d'un délai de 10 ans. Le dommage doit être avéré et le lien de causalité établi. Il peut s’agir pour un chirurgien d’opérer le mauvais membre, d’oublier des compresses dans le corps du patient ou encore d’un médecin qui se trompe de posologie d’un médicament et du pharmacien qui le délivre ainsi. Manquer un diagnostic ou poser un mauvais diagnostic et s’obstiner malgré les résultats complémentaires accumulés sont d’autres exemples. Puisqu’il est indispensable que tous les intervenants disposent des éléments nécessaires au diagnostic et au suivi, la traçabilité du dossier médical doit être parfaite (toute défaillance engage la responsabilité du système de santé). Le patient dépose un recours devant la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation, qui fera établir une expertise et émettra un avis sur la cause et les circonstances du dommage.

Données sur l'erreur médicale

Les données de la littérature concernant l’erreur médicale sont rares, extrapolées et souvent fausses, confondant erreur et préjudice médical [5] [6]. On avance ainsi en France les chiffres de 450000 évènements indésirables médicamenteux graves et 50000 morts par an pour un coût annuel proche du demi milliard d’euros [5]. Selon la MACSF, principal assureur de médecins, les 6 spécialités les plus concernées par les plaintes sont, dans l’ordre : la chirurgie orthopédique, la chirurgie du rachis, la médecine générale, l’anesthésie-réanimation, l’ophtalmologie et la radiologie.

La plateforme AdviceMedica remplit le cahier des charges d’une communauté intelligente et bienveillante permettant de réduire une partie de l’incertitude médicale et de ses conséquences. La multitude des avis permet d’améliorer la qualité des prises en charge, de proposer des stratégies adaptées, de fluidifier le parcours patient, d’accélérer les prises de décision. AdviceMedica permet des stratégies sécurisées par le groupe et parfois moins conservatives que ce que le médecin demandeur avait initialement prévu. Les décisions des médecins sont de plus en plus influencées par les conséquences médico-légales que ces dernières peuvent engendrées [7]. En Espagne par exemple, presque 20% des médecins ont déjà été poursuivis pour mauvaise pratique, ce qui est source non seulement de conséquences pour le patient lorsqu’elle est avérée mais aussi d’une perte de temps, d’argent, de réputation et de confiance même lorsqu’elle n’est pas avérée, poussant aux prescriptions exagérées d’explorations et limitant les prises en charge potentiellement dangereuses chez les patients à risque, qui pourtant en bénéficieraient. AdviceMedica participe à la lutte contre les retards et errances diagnostiques, les mauvaises stratégies thérapeutiques et donc à la réduction des erreurs médicales.

  1. Demoly M, Bourrain JL, Demoly P. La complexité médicale appliquée à l’allergologie : causes et solutions. Rev Fr Allergol 2019; 59: 336-40.
  2. Fox RC. The Evolution of medical uncertainty. Milbank Mem Fund Q Health Soc 1980; 58: 1-49.
  3. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015 (consulté le 30.11.2019).
  4. Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la  qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000023865866 (consulté le 30.11.2019).
  5. Thibert C. Erreurs médicales : un recensement difficile. 23.11.2017. Disponible sur : http://sante.lefigaro.fr/article/combien-d-erreurs-medicales-chaque-annee-en-france-/ (consulté le 27.11.2019).
  6. Makary MA, Daniel M. Medical error-the third leading cause of death in the US. BMJ 2016; 353: i2139.
  7. Garcia-Retamero R, Galesic M. Defensive decision making in medicine. Health Expectations 2012; 17: 664-9.

Vignette auteur

Pascal Demoly

Coordinateur scientifique pour AdviceMedica.
Docteur en médecine, professeur de pneumologie, allergologue et chef de département au CHU de Montpellier.