Le patient expert

6 juillet 2020 - 7 minutes de lecture

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Le patient expert et les associations de patients

Tour à tour nommés patients experts, patients ressources, intervenants, formateurs, sentinelles, co-chercheurs, médiateurs, pairs aidant... des patients quittent leur seule place d’objet de soin pour s’impliquer dans le système de santé auquel ils appartiennent et participer activement à la prise en charge de leur maladie et à sa prévention. Patients souffrant d’allergies ou d’autres maladies chroniques, le parcours est le même, les mécanismes de mise en œuvre aussi.

En France, 15 millions de personnes vivent avec une maladie chronique. Ils sont dans une acception classique du statut de patient, des personnes qui souffrent en silence (latin patiens).
Dans les années 30 aux Etats-Unis un premier mouvement d’entraide entre pairs va voir le jour, les Alcooliques Anonymes. Il va servir de modèle aux mouvements qui vont suivre.

Dans les années 80, en France, les associations de malades du SIDA poursuivent la mutation de la place du patient dans le système de soin qui n’a, depuis, cessé de poursuivre sa petite révolution.

En 2002 la loi Kouchner parachève cette tendance de la démocratie sanitaire en reconnaissant la participation active des usagers du système de santé, et en consacrant l a notion de droits des malades (information claire et loyale, codécision, respect de la vie privée, droit à la dignité, accès au dossier médical...).

Mais qu’est-ce qui pousse ces patients à agir ?

Comment passe t-on de patiens à patient actif, celui qui joue un rôle dans le théâtre social du système de santé, qui participe aux relations de coopération, de co-construction et de co-évolution, qui interagit dans des rapports de force, de concurrence mais aussi de complémentarité et de solidarité ?

Nombre de patients qui souhaitent rompre avec la dynamique ancestrale médecin = initié, patient = profane, agissent au sein d’associations de patients, le plus souvent bénévolement. De plus en plus d’entre eux se professionnalisent, tendant vers l’émergence de nouveaux métier comme celui de patient formateur. Leur motivation à agir dépasse leur seule situation singulière, et les pousse à s’engager à améliorer la prise en charge et/ou la prévention de leur maladie.

Pour le Dr Olivia Gross, chercheuse en santé publique et en sciences de l'éducation au Laboratoire Éducation et Pratiques de Santé à l’université Paris 13, la motivation à agir de ces patients (au sens de “ personne malade ou non, qui entre en contact avec le système de santé et ses acteurs ”, Martin Winckler), trouve sa source dans leur sentiment d’inefficacité du système de santé au sens large (errance diagnostique, absence de réponse thérapeutique, manque de soutien...).

Toujours selon Olivia Gross, dans une “éthique de l’efficacité et de l’utilité”, ils acquièrent une connaissance de leur maladie et du système de soin, contribuent à des innovations et comblent des vides institutionnels. Ils sont motivés, selon la chercheuse, par la passion, ou plutôt par deux types de passions : l’une cognitive, qui les pousse à comprendre et à apprendre, et l’autre, conative, qui les pousse à agir, leur permettant d’aller au delà de leur volonté de départ de dépasser leur vulnérabilité initiale.

Conséquence d’histoires individuelles et collectives, en recherche d’humanités pour redonner du sens, confrontés à des vérités qui dérangent, à des situations non acceptables, les patients n’ont de cesse de redevenir sujets. Ils ont ainsi réussi à instaurer de nouvelles relations soignants-soignés, savants-sachants (Noël-Hurault, 2010), creusant le sillon de nouveaux courants basés sur les savoirs expérientiels.

Le nouveau paradigme en place de nos jours est bien celui du partenariat

Ce changement de culture qui s'opère depuis presque 40 ans, acté dans la loi HPST de 2009, s’articule autour de patients moteurs par leurs intentions, actions et interactions. De nouveaux usages et nouvelles représentations s’élaborent, dans une logique de collaboration où “le savoir de chacun doit être reconnu” (Edgar Morin). Les mutations passées et à venir qui concernent les maladies chroniques, leurs significations, leurs traitements ou encore leurs conséquences sur la qualité de vie des individus confrontés à ces maladies, sont les enjeux et les défis actuels et à venir.

La maladie est une occasion d’apprentissage et d’adaptation mais comme le souligne le Dr Luc Plassais de l’hôpital Cognac-Jay à Paris “accepter son mal est un parcours complexe” et devenir un “vivrologue” (Frédéric Lert, Aides) est donc le fruit d’un ensemble, d'événements, de sentiments (d’urgence, de danger, d’inefficacité d’autrui, d’auto-efficacité..) et de réactions (choc, réactance, créativité...). L’agentivité du patient se gagne au fil des années et de l’expérience ; elle repose sur des valeurs et convictions fortes.

De mêmes valeurs et une même volonté unit les pairs de l’Association Française pour la Prévention des Allergies. L'AFPRAL a été fondée en 1991 par des familles d’enfants allergiques, dans le but de rassembler différents acteurs, autour d'une même problématique, l'allergie : patients allergiques, familles ou proches d'allergiques, communauté médicale. C'est la plus ancienne association de patients allergiques ; elle est reconnue association d'usagers du système de santé par le ministère de la Santé.

Dans cette logique de partenariat, de forces unies, qui convergeraient vers un même but, celui d’apporter des réponses pertinentes, thérapeutiques et sociétales, de façon efficiente, aux personnes souffrant d’allergies, les membres de l’Afpral sont heureux de constater que l’allergologie devient la première spécialité en France à disposer d’un réseau d’entraide collaborative grâce à AdviceMedica.

  1. Bazin, C. (2018). Quand les patients se mêlent de leur santé.
  2. Borel, V. (2016). Visions solidaires - L’éducation thérapeutique : je me soigne, donc je suis.
  3. Flora, L., & Le Grand, J. (2013). 292/2 - Le patient formateur : élaboration théorique et pratique d’un nouveau métier de la santé | AREF 2013.
  4. Gross, O., & Gagnayre, R. (2013). 292/4 Le rôle de la passion dans la logique de l’agir des patients-experts | AREF 2013.
  5. Fleury, C. (2017). La vulnérabilité en partage.

Vignette auteur

Ghislaine Fèvre

Formatrice chez Héliate Aceascop : actions de sensibilisation et de formation sur les problématiques allergiques. Patiente ressource et antenne Centre AFPRAL.