Vigilances sanitaires, une simplification de déclaration

30 mars 2020 - 7 minutes de lecture

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La vigilance sanitaire est pour le professionnel de santé souvent perçue comme une tâche ingrate sans grand retour. Il s’agit effectivement à la base d’un processus de recueil de cas puis d’analyse de données avec la finalité de prévenir des risques initialement non connus ou méconnus.

Les différents types de vigilances sanitaires

Il incombe par ailleurs au professionnel de santé de déclarer au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) dont il dépend géographiquement, tout effet indésirable susceptible d’être dû à un médicament dont il a la connaissance. Mais la pharmacovigilance n’est pas la seule vigilance sanitaire ce qui peut induire de la complexité pour les déclarants.

Historiquement, plusieurs crises sanitaires, les affaires du sang et de l’hormone de croissance contaminés et plus récemment celles du Médiator et du Levothyrox ont conduit à faire évoluer la gestion des vigilances sanitaires en France, vers une simplification des déclarations et une meilleure efficacité dans l’analyse des cas.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a en charge de coordonner 8 vigilances sanitaires :
•    Pharmacovigilance
•    Pharmacodépendance
•    Hémovigilance
•    Matériovigilance
•    Réactovigilance
•    Biovigilance
•    Cosmétovigilance
•    Vigilance des produits de tatouage

L’erreur médicamenteuse fait partie de la pharmacovigilance, elle entre donc dans le champ de l’ANSM.

D'autres structures participent à d'autres vigilances sanitaire par leur action propre; citons les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) et le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) en collaboration avec l’agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), mais aussi la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) par sa mission de sécurité des consommateurs.

Enfin, il existe également d'autres intervenants officiels ou émanant de sociétés savantes ou d’associations de patients permettant de recouvrir plus ou moins l’ensemble des risques sanitaires vis-à-vis desquels chacun et chacune peut être un jour exposé au cours de sa vie.

Toute cette diversité est difficile à intégrer dans un système unique simple.

La déclaration de ces évènements est réalisable par les professionnels de santé ou par les particuliers depuis les différents sites internet des différentes administrations de santé.

Mais depuis le 13 mars 2017, il existe également un portail internet spécifique pour le signalement de l’ensemble des événements sanitaires indésirables.

Il recueil des signalements divers concernant les médicaments, les dispositifs médicaux, les produits de la vie courante ou de l’environnement, les actes de soin, les produits de tatouage, les produits cosmétiques, les compléments alimentaires ainsi que les produits ou substances ayant un effet psychoactif. Après 9 mois de fonctionnement, plus de de 40 000 signalements avaient été notifiés, dont 15% émanaient de professionnels de santé.

Le dispositif est articulé avec les agences régionales de santé (ARS), des structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients (SRA) et la Haute Autorité de Santé (HAS). La HAS est chargée de collecter et d’analyser les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) après leur traitement au niveau régional, pour rechercher au niveau national, des préconisations permettant d’améliorer la sécurité des patients. Dans son rapport d’activité pour l’année 2018, 820 déclarations avaient été analysées, 50% des cas avaient abouti au décès, 17 % à un déficit fonctionnel permanent et les 33 % restant avaient mis en jeu le pronostic vital ; 55% avaient été jugés évitables. Le principal risque (181 cas) était représenté par le suicide de patients. Dans près de la moitié de l’ensemble des déclarations analysées cela a eu des conséquences pour les professionnels eux-mêmes surtout en cas de décès (notion de seconde victime).

Pour ce qui est de la pharmacovigilance proprement dite les déclarations émanent de 3 sources d’acteurs : les professionnels de santé, les patients et associations de patients et enfin les firmes pharmaceutiques. En plus de l’échelon national que constitue l’ANSM, deux autres échelons méritent d’être évoqués. Tout d’abord l’échelon régional est constitué par les centres régionaux de pharmacovigilance qui sont les interlocuteurs directs tant pour les professionnels de santé que pour les patients à la fois pour le recueil de déclarations mais aussi pour renseigner et conseiller les déclarants. Il existe 31 centres répartis sur le territoire national.

A l'opposé, il existe également un échelon européen, l'Agence Européenne des Médicaments (European Medicines Evaluation Agency - EMA). Initialement située à Londres, en raison du Brexit, elle siège maintenant à Amsterdam. A l’instar de l’ANSM, elle assure un recueil et une validation décentralisés au niveau de chaque état membre à une évaluation, avis et/ou décision centralisés au niveau européen. Elle émet des règles de bonnes pratiques de pharmacovigilance européennes (GVP). Elle comprend plusieurs comités dont le comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) qui évalue de façon mensuelle les risques liés à l’utilisation des médicaments ainsi que les mesures de suivi et de gestion de ces risques. Elle utilise pour cela le système Eudravigilance dont le site web a été créé pour fournir au public un accès aux rapports sur les effets indésirables suspectés.

En conclusion

Cette hiérarchie est complexe et les domaines de surveillance variés, mais grâce au portail unique et aux centres régionaux de pharmacovigilance qui sont nos premiers interlocuteurs, les démarchent ont été grandement simplifiées et les professionnels de santé ont accès à un interlocuteur direct qui permet de répondre à leurs questions.

Il reste qu'il incombe à tout professionnel de santé de déclarer tout effet indésirable susceptible d’être dû à un médicament dont il a connaissance au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) dont il dépend géographiquement

  1. Bonnes pratiques de pharmacovigilance
  2. Première évaluation du portail de signalement des évènements sanitaires indésirables
  3. Retour d’expérience sur les événements indésirables graves associés à des soins (EIGS) - Rapport annuel d’activité 2018
  4. Audit de la maîtrise des risques sanitaires par l'ANSM

Vignette auteur

Jean Luc Bourrain

Docteur en médecine, allergologue, dermatologue au CHU de Montpellier.