Vaccins Covid : quels risques ?

2 février 2021 - 10 minutes de lecture

Cover Image

L’introduction d’un nouveau vaccin est souvent source de défiance du public, défiance amplifiée par des cas mal documentés, de fausses rumeurs, internet et les emballements médiatiques délétères.

Comment faire face à une situation nouvelle ?

L'anaphylaxie, définie comme la réaction d'hypersensibilité systémique, d’apparition rapide la plus grave, engage le pronostic vital en compromettant les systèmes cardio-vasculaire et respiratoire et fait peur. Mais tous les « allergiques », c’est-à-dire plus d’un quart de la population générale, ne sont bien sûr pas à risque d’anaphylaxie. Et les allergologues savent que le seul facteur de risque au cours d’une vaccination est d’être allergique à l'un des composants.

Mais quels sont ces composants ? Les vaccins se composent de l’agent infectieux, d’un adjuvant (permettant d’amplifier la réaction immunitaire et ainsi d’économiser la dose de ce dernier), d’excipients et parfois de contaminants (de plus en plus totalement filtrés au cours du processus de fabrication). La vaccination contre le Covid-19 apporte l’espoir de voir le bout du tunnel. Le premier vaccin commercialisé est le vaccin des laboratoires Pfizer (Encadré 1).


Encadré 1 : contenu du vaccin Pfizer.
•    substance active BNT162b2 : ARN messager simple brin hautement purifié, coiffé en 5’, généré par transcription in vitro dans des conditions acellulaires à partir de l’ADN correspondant codant pour la protéine Spike du virus SARS-CoV-2
•    quatre lipides : ALC-0315 ou bis(2-hexyldecanoate) de (4-hydroxybutyl)azanédiyl), ALC-0159 ou 2[(polyéthylène glycol)-2000]-N,N-ditétradécylacétamide, 1,2-distéaroyl-sn-glycéro-3-phosphocholine et cholestérol
•    plusieurs électrolytes et autres composés : chlorure de potassium, phosphate monobasique de potassium, chlorure de sodium, phosphate dibasique de sodium dihydraté, saccharose
•    aucun adjuvant

Il s’agit du premier vaccin à ARN utilisé chez l’homme à grande échelle. Son développement a suivi les règles en vigueur. Les essais cliniques ayant permis son enregistrement ont exclu les personnes ayant des antécédents d'allergies à un vaccin, mais pas les personnes ayant déjà eu des réactions allergiques à des aliments ou à des médicaments, même si elles étaient probablement sous représentées.

Le lendemain du début de la campagne vaccinale en Angleterre, deux femmes, professionnelles de santé, allergiques, ont réagi. De l’adrénaline leur a été injectée, elles vont parfaitement bien [1]. Prises de panique, les agences de santé interdisent alors ce vaccin « chez les allergiques » et incriminent le polyéthylène glycol ; autant dire que le trou vaccinal ainsi créé aurait eu des conséquences si le bon sens et l’expérience passée n’avaient pas prévalus ensuite.

L’anaphylaxie aux vaccins, un événement extrêmement rare !

La fréquence des anaphylaxies varie d’un vaccin à l’autre et est mesurée entre 1 et 20 par million d’injections. C’est très peu, mais suffisant bien sûr pour nécessiter des enquêtes et comprendre le mécanisme. Cela peut suffire à compromettre un programme vaccinal comme cela a été le cas des protéines d’œuf pour le vaccin ROR, qui n’en contient d’ailleurs quasiment pas puisque cultivé sur fibroblastes embryonnaires de poulet et pas sur œuf embryonné ! On peut citer les chiffres d’incidence suivants [2] :

•    vaccin DTP : 0,36/100000, en général dû à l’agent vaccinal
•    grippe : 0,08/100000, exceptionnellement dû à l’ovalbumine
•    ROR : 0,18/100000, de moins en moins dû à la gélatine porcine le stabilisant, jamais aux protéines de l’œuf

Des cas anecdotiques liés à certains autres composants de vaccins ont été décrits avec les produits de Saccharomyces cerevisiae, le latex, le sucre galactose-α 1,3 galactose (alpha-gal) contenu dans la gélatine, les protéines de poulet pour les vaccins cultivés sur fibroblastes de poulet. Aucun conservateur, ni adjuvant, ni antibiotique non filtré des cultures cellulaires, n’a été impliqué de façon directe et documentée dans ces cas. Si un composant est identifié de façon formelle, il doit être retiré, si cela est possible. C’est le cas de la gélatine dans le ROR ces dernières années. Les symptômes et signes cutanés au site d’injection sont plus fréquents, ils inquiètent et pourtant ils sont mineurs (érythème, prurit). Ils n’exposent pas au risque anaphylactique. Les diagnostics différentiels des réactions aux vaccins sont nombreux, avec surtout les malaises vagaux, les réactions de panique à la vue des aiguilles ou suite à des réactions normales ou exagérées au site d’injection (chez des sujets déjà immunisés). Ils doivent être éliminés.

Les polyéthylène glycols (PEG) ou macrogols (et leurs dérivés tels que les polysorbates) ont récemment fait leur entrée dans les vaccins, à l’exemple des vaccins de Pfizer et de Moderna vis-à-vis du SARS-CoV2. Ils sont produits par polymérisation de l’oxyde d’éthylène (H(OCH2CH2)nOH) et de poids moléculaires variables (de 200 à 35 000 g/mol) en fonction du nombre d’unités d’oxyde éthylène présentes. Connus pour être responsables de quelques cas d’anaphylaxie lors de préparations coliques pour coloscopie (PEG 3350) ou d’injections de corticoïdes en intra-articulaire (PEG 4000) [3], le PEG 2000 du vaccin est apparu comme le coupable idéal. Présents dans l’industrie textile, du papier, du cuir, l’alimentation, certains cosmétiques, de nombreux médicaments, aucune chance d'avoir échappé aux PEG. Comme pratiquement tout xénobiotique, ils peuvent induire des réactions immunologiques [4].

L’allergologue, un acteur de la santé publique

La Société (SFA), la Fédération (FFAL) et le Conseil National Professionnel (CNP) d’Allergologie ont immédiatement réagi à la communication désastreuse qui a suivi les premiers cas anglais et publié un communiqué apaisant suivi d’un guide simple destiné aux centres vaccinaux et aux allergologues (Encadré 2). Il n’y en effet aucun support scientifique à l’interdiction d’un vaccin à toute personne qui a souffert d’allergie ou même d’anaphylaxie, quelle que soit la cause, contrairement aux allergies vraies à un des composés d’un vaccin [2], comme le rappelait la Haute Autorité de Santé en 2018 [5] :

« Un antécédent d’allergie, même grave, n’est pas en soi une contre-indication vaccinale sauf si le produit incriminé est un vaccin. De même, une allergie grave à un vaccin ne contre-indique pas les vaccinations mais seulement le vaccin incriminé et éventuellement les vaccins contenant le composant responsable de l’allergie. (…) Le bilan allergologique permet d’identifier les patients présentant un risque réel de développer une réaction anaphylactique en cas de nouvelle exposition. La revaccination dépendra alors de ce bilan allergologique ».

Encadré 2 : résumé des recommandations sur la conduite à tenir.


Ces outils ont été diffusés par tous les médias à disposition de la communauté allergologique, aux agences de santé et aux 3000 abonnés d’AdviceMedica. Bien sûr les standards des allergologues ont explosé mais c’est notre rôle de médecin de santé publique de promouvoir une bonne couverture vaccinale de nos concitoyens, de dépister les rares sujets à risque et de tester les rares réactions à venir.

La campagne de vaccination se poursuit et apparaissent les premiers cas de réactions au vaccin. L’allergologue contacté n’a bien sûr aucune expérience de ces cas et grâce à la plateforme AdviceMedica partage avec sa communauté les données cliniques. Après un mois de vaccination, une dizaine de cas ont circulé sur AdviceMedica et des propositions d’explorations sont données. En cas de doute, il est toujours indispensable de demander l’avis d’une personne plus compétente, d’un expert. Mais qu’en est-il lorsque la situation est réellement inédite ? Et bien il faut colliger scrupuleusement les cas, les partager et explorer avec mesure en gardant en tête la nécessité de la meilleure couverture vaccinale. SFA/FFAL/CNPA nous guident, l’expérience partagée des uns et des autres nous renforcent. Plus que jamais la science des données réelles doit prévaloir et la communication doit être maîtrisée et scientifique. Les données de la vraie vie, nos données, ont autant de poids que celles issues des publications, bien rares en ce qui concerne le sujet du jour.

Rejoignez AdviceMedica, venez profiter de l’expertise de vos collègues et faites les bénéficier de la vôtre.

  1. Castells MC, Phillips EJ. Maintaining Safety with SARS-CoV-2 Vaccines. N Engl J Med. 2020 Dec 30. doi: 10.1056/NEJMra2035343.
  2. Dreskin SC, Halsey NA, Kelso JM, Wood RA, Hummell DS, Edwards KM, Caubet JC, Engler RJ, Gold MS, Ponvert C, Demoly P, Sanchez-Borges M, Muraro A, Li JT, Rottem M, Rosenwasser LJ. International Consensus (ICON): allergic reactions to vaccines. World Allergy Organ J. 2016; 9:32.
  3. Wenande E, Garvey LH. Immediate-type hypersensitivity to polyethylene glycols: a review. Clin Exp Allergy. 2016; 46:907-22.
  4. Zhou ZH, Stone CA Jr, Jakubovic B, Phillips EJ, Sussman G, Park J, Hoang U, Kirshner SL, Levin R, Kozlowski S. Anti-PEG IgE in anaphylaxis associated with polyethylene glycol. J Allergy Clin Immunol Pract. 2020 Nov 17:S2213-2198(20)31231-9. doi: 10.1016/j.jaip.2020.11.011.
  5. https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Aspects-pratiques/Allergies-et-autres-contre-indications/Personnes-allergiques; consulté le 1er février 2021.

Vignette auteur

Pascal Demoly

Coordinateur scientifique pour AdviceMedica.
Docteur en médecine, professeur de pneumologie, allergologue et chef de département au CHU de Montpellier.